Le
29 novembre 1972, Mohamed Diab est assassiné en plein commissariat de
Versailles par le brigadier René Marquet. Exécuté d’une rafale de
pistolet-mitrailleur de sangfroid, s’en suit une mascarade politique et
judiciaire et un non-lieu huit ans après pour le policier assassin.
Le
texte présenté ici par les Éditions Premiers Matins de Novembre a été
publié en 1973 dans la revue Communiste n° 3 par un militant du Comité
pour la Vérité sur la mort de Mohamed Diab. Car il y a bien eu,
comme en témoigne ce texte, un comité de soutien et une lutte autour de
la mort de Diab, tombé sous les balles de la police française. Ce texte
est à la fois une réaction à chaud suite au meurtre, une analyse
politique de ce que représente l’assassinat de Diab, et une archive
précieuse qui fournit un exemple de contre-enquête militante et
populaire sur les crimes policiers. Anonyme, il nous permet à la fois de
prendre conscience de la continuité des violences et meurtres policiers
comme structure de l’État français mais aussi de leur envers trop
souvent passé sous silence ou minimisé : la continuité des résistances
et des luttes des premier.e.s concerné.e.s par cette domination
structurelle. On peut y lire en effet, autour de ce qui a souvent été
réduit à la mort d’un travailleur immigré, une «bavure policière » ou à
une affaire judiciaire froide et dépersonnalisée, les mots de la famille
de Mohamed Diab, ceux de sa sœur Fatima ré- clamant justice mais
rétablissant surtout la vérité sur les faits. On y lit déjà
l’organisation nécessaire et parfois difficile entre la famille de la
victime, les avocats et les membres du collectif de soutien. Y sont
relatées les résistances quotidiennes et nécessaires face à la machine
judiciaro-politique mise en place par l’État et ses institutions juste
après le meurtre.
Ce
texte met également en lumière le poids écrasant porté par les victimes
de meurtres policiers et leurs familles dans un système où tout se
tient, où la mécanique de l’oppression repose comme le dit l’auteur sur
«le principe des privilèges de la police comme institution» et de
«l’appareil judiciaire [comme] appareil à défendre l’ordre établi». Plus
de quarante ans après, la même mécanique de protection de l’ordre
républicain et des classes privilégiées, capitalistes et blanches, et la
même volonté de broyer tout ceux et celles qui y résistent, résonnent
toujours. Déjà en 1973, des voix démontraient les liens de cette
structure digne du théorème de «Thévenin» où tout se superpose :
structure raciste, corps policier, institution judiciaire, complicité
hospitalière, et mass-media.
Ce
texte fait plus que jamais écho à l’actualité et à ces quarante années
d’impunité policière où les permis de tuer ont traversé tous les
gouvernements successifs pour protéger l’ordre raciste et bourgeois. Il
rappelle que l’acharnement judiciaire contre les proches des victimes de
la police a toujours été une arme pour protéger l’institution et ses
pratiques, et que cet acharnement touche avant tout les familles de
victime et ceux qui veulent ôter le voile sur ce faux secret car «Le
secret et l’oubli sont deux armes dont joue avec adresse la classe
dirigeante pour déposséder le peuple du droit de s’occuper de ses
propres affaires». Ce texte est un appel à la réappropriation de
l’histoire populaire et à une reprise en main politique et organisée par
les concerné.es des questions de l’immigration, du racisme d’État et
des violences et meurtres policiers. Il délivre également déjà des
pistes pour penser la place de «l’intellectuel révolutionnaire » dans ce
contexte qui n’a d’autre choix que de combattre incohérence et
partialité aux côtés des premier.e.s concerné.e.s. Ce travail d’enquête
en est le plus bel exemple.
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