Freitag, 28. Juni 2013
Aminata Traoré, la militante qui dénonce l'"humiliante ingérence" de la France au Mali
L'ancienne ministre malienne de la Culture, Aminata Traoré, est l'une des rares personnalités politiques à s’être opposée à l'intervention militaire de la France au Mali. Une parole discordante que Paris ne veut pas entendre, selon la militante.
Par Aude MAZOUÉ (texte)
La quasi-totalité des personalités politiques maliennes soutient l'action de la France au Mali. Seule voix discordante, ou presque, celle de l'ancienne ministre malienne de la Culture, Aminata Traoré, dont la parole est régulièrement relayée en France par les associations altermondialistes.
"Les extrémismes religieux se nourrissent, au Mali comme ailleurs, de la misère humaine. Il ne suffit pas de donner des armes et de l’argent au pays pour le faire sortir de la crise", s’indigne l’essayiste africaine, dans un entretien accordé à FRANCE 24. "Pour que le Mali retrouve son équilibre, il ne faut pas faire la guerre au Djihad mais la guerre au chômage et à la misère", résume t-elle.
La voix discordante du Mali
Si l'intellectuelle malienne n'était pas favorable à l’intervention militaire française au Mali, elle ne l'est pas davantage en ce qui concerne la tenue en juillet d’une élection présidentielle, annoncée mardi 14 mai par l’actuel président malien de transition, Dioncounda Traoré.
Pour la militante, il y a mille raisons de s’opposer à la tenue de ce rendez-vous électoral. "On veut démocratiser le Mali sans lui donner les moyens et le temps de comprendre et de se poser les bonnes questions", s’insurge-t-elle. D'après elle, la France presse le pas dans le but de faire coïncider les élections maliennes avec son emploi du temps militaire. "C’est une ingérence humiliante", confie-t-elle.
Des élections prévues le 28 juillet et largement plébiscitées par la France. "Ces élections doivent avoir lieu. Pour le peuple malien lui-même, pour l'exemple que nous devons donner à toute l'Afrique, et pour la légitimité qui doit être celle de l'autorité", a déclaré François Hollande vendredi 10 mai, dans la cour de l'Élysée, en compagnie de son homologue nigérien.
Aminata Traore, persona non grata ?
Aminata Traoré estime que sa parole dérange. Si les Européens n’ont jamais fait appel à ses services pour envisager l’avenir politique du Mali, "c’est parce qu’ils ont préféré s’entourer de béni-oui-oui", explique-t-elle.
La pasionaria en veut pour preuve le récent refus que le consulat de France lui a opposé alors qu’elle devait se rendre en Allemagne et en France en avril, à l’occasion d’une réunion sur le prolongement de l’opération Serval. Aminata Traore a reçu son visa allemand sans obtenir l’extension Schengen de la France. Simple erreur administrative ? La militante ne croit pas au hasard.
Contacté par FRANCE 24, le ministère des Affaires étrangères affirme ne jamais avoir eu l’intention d’interdire à Aminata Traoré de venir sur le sol français. "Il s’agit très probablement d’un imbroglio administratif entre la France et l’Allemagne. La France ne fait pas d’obstacle politique à la venue d’Aminata Traoré sur son territoire", assure-t-on au Quai d’Orsay.
Indignation des associations altermondialistes
L’affaire n’a pas manqué de faire réagir nombre d’associations altermondialistes qui ont pris fait et cause pour l’intellectuelle africaine.
En tête des indignés, le Crid, (Centre d’information et de recherche pour le développement) qui regroupe un collectif de 53 associations internationales et solidaires. Le collectif s’est fendu le 6 mai d’un communiqué publié sur son site pour dénoncer l’entrave à la liberté d’expression et au débat citoyen que le refus français suppose. "Nos organisations, […] désapprouvent unanimement qu’une personne dont les apports dans les débats internationaux et les liens avec les mouvements de solidarité internationale sont incontestables, soit ainsi privée de parole en étant privée de visa", peut-on lire sur le site du collectif.
Aminata Traoré assure finalement qu'elle n'a que faire de ne pas avoir obtenu de visa français : "Mes mots sont mes armes à moi. Je n’ai pas besoin de venir en France pour mener mon combat."
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